Avec AFP

La campagne du candidat républicain Donald Trump semble traverser une mauvaise passe. L’ex-président américain est moins visible et organise moins de ces grands meetings qui ont contribué à sa renommée politique. Et quand il prend des initiatives, elles se retournent contre lui.

Le contraste est saisissant. Lors de la Fête du travail aux États-Unis, le 2 septembre, Kamala Harris et son colistier Tim Walz ont multiplié les déplacements électoraux au Wisconsin, dans le Michigan et en Pennsylvanie. Le même jour, l’agenda de Donald Trump et J.D. Vance était vide. Le candidat républicain à l’élection présidentielle de novembre s’est contenté de se déchaîner contre sa rivale démocrate sur Truth Social, son clone de Twitter.

Et pourtant. Lors des années électorales, le jour de la Fête du travail est considéré aux États-Unis comme “le coup d’envoi de la dernière ligne droite de la campagne avant le scrutin”, souligne CNN. Les candidats sont censés tout donner pour le sprint final avant le vote du 5 novembre.

Un candidat fatigué ?

C’est pourquoi la grande absence ce jour-là de Donald Trump, l’homme qui avait fait des méga-rallyes la marque de fabrique de sa campagne victorieuse de 2016, “a été perçue comme étonnante et, franchement, difficile à expliquer”, reconnaît Jérôme Viala-Gaudefroy, chargé de cours à Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye et spécialiste des États-Unis.

Mais peut-être s’est-il rattrapé depuis lors, et qu’il est reparti de plus belle pour battre le pavé électoral du pays ? En fait, pas vraiment. Donald Trump semble avoir privilégié le confort des studios de la chaîne Fox News pour des interviews entre amis ultra-conservateurs, et quelques prises de paroles devant des foules plus restreintes comme lors de son allocution devant un syndicat de policiers à Charlotte, en Caroline du Nord, le 6 septembre.

Donald Trump doit renouer avec les bains de foule des grands rallyes à Mosinee, dans le Wisconsin, samedi 7 septembre. Mais “il faut se rappeler qu’en 2016, il pouvait en faire jusqu’à deux par jour”, note Jérôme Viala-Gaudefroy.

Alors certes, le candidat républicain a pris de l’âge depuis sa grande victoire de 2016, et n’est peut-être plus capable à 78 ans de la même débauche d’énergie qu’à l’époque où il était encore un fringant “jeune” septuagénaire. Mais les commentateurs “libéraux” (camp progressiste), tel que le présentateur de l’émission d’infotainment du soir Seth Meyer, ont sauté sur l’occasion pour s’amuser de cette retenue, s’imaginant mi-sérieux, mi-goguenard, que face à la montée dans les sondages de Kamala Harris, Donald Trump “avait baissé les bras”.

Donald Trump sur la défensive

Mais gare à ne pas vendre la peau du Donald Trump avant de l’avoir battu dans les urnes. La relative sobriété du calendrier trumpien tient aussi à des considérations tactiques. Les démocrates ont un problème que les républicains n’ont pas : ils “ont historiquement du mal à motiver leur base électorale à voter et doivent donc multiplier les déplacements pour y parvenir”, note René Lindstädt, spécialiste de la politique américaine à l’université de Birmingham. Les troupes pro-Trump sont davantage prêtes à dégainer leur bulletin de vote le jour venu. L’enjeu pour Donald Trump est plutôt de chercher à séduire au-delà de son électorat traditionnel et “les rallyes ne sont pas le meilleur moyen d’y parvenir, car ce genre d’événement mobilise surtout les plus fervents partisans de l’ex-président”, précise René Lindstädt.

Il n’empêche. Si Donald Trump semble moins friand de grands rassemblements, c’est en partie parce que “la campagne de l’ex-président est sur la défensive” face à la nouvelle donne Kamala Harris, analyse Jérôme Viala-Gaudefroy. Les stratèges républicains “avaient prévu tout un dispositif précis pour battre Joe Biden avec des dates et des lieux stratégiques pour les ‘meetings’ et il faut maintenant tout revoir”, précise René Lindstädt.

Le flottement actuel prouve que “Donald Trump n’a pas encore trouvé la parade”, affirme Jérôme Viala-Gaudefroy. Cette difficulté à s’adapter au changement de candidat démocrate à deux mois de l’élection n’est pas de bon augure pour le camp républicain, assurent les experts interrogés par France 24. “Le retrait de Joe Biden a d’abord été perçu comme une source de problèmes pour le camp démocrate, mais je pense qu’on constate précisément aujourd’hui que ce sont les républicains qui en pâtissent le plus car ils ont très peu de temps pour changer de fusil d’épaule face à des démocrates qui ont réussi à présenter très rapidement un front uni”, explique René Lindstädt.

Des buts contre son camp

Les républicains en souffrent d’autant plus qu’en attendant de trouver le bon angle d’attaque et de pouvoir retrouver le chemin des grands rallyes, Donald Trump multiplie les buts contre son camp. Il y a eu la visite et la séance photo au cimetière militaire national d’Arlington, fin août. Donald Trump voulait s’en servir pour rappeler le retrait chaotique d’Afghanistan des soldats américains au début du mandat de Joe Biden. Mais c’est la polémique suscitée par l’exploitation à des fins politiques d’un lieu de mémoire – la publication de photos prises dans l’enceinte du cimetière est ainsi interdite – qui a dominé les débats au sujet de cet épisode de campagne.

Ensuite, Donald Trump s’est attiré les foudres des chrétiens évangéliques en suggérant qu’il pourrait s’opposer à des règles encadrant plus strictement l’avortement en Floride. Face à la fureur de cet électorat essentiel pour les républicains, l’ex-président a rapidement fait un virage à 180° sur la question.

Le candidat républicain est tiraillé entre la nécessité de faire des appels du pied à l’électorat féminin et l’obligation de rester dans les bonnes grâces de l’électorat ultra-religieux. Pas facile, et pour l’instant “Donald Trump fait plutôt une mauvaise campagne [sur ces questions]”, assure Jérôme Viala-Gaudefroy.

En fait, ces couacs poussent peut-être les stratèges républicains eux-mêmes à espérer que leur champion ne fasse pas (trop) campagne. Car même si Donald Trump ratait complètement sa campagne, il n’est pas condamné à perdre. “Il va peut-être être très difficile de gagner le vote populaire [c’est-à-dire remporter la majorité des voix au niveau national, NDLR], mais avec le système des grands électeurs, les républicains peuvent tout de même l’emporter en allouant correctement leurs ressources dans les États clés”, détaille Jérôme Viala-Gaudefroy. Ils ont ainsi décidé, jeudi 5 septembre, de “réduire leurs investissements” dans trois États – Minnesota, Virginia et New Hampshire – qu’ils espéraient gagner lorsque Joe Biden était encore candidat, pour dépenser davantage en Pennsylvanie, Caroline du Nord ou encore en Géorgie.

Une stratégie qui avait fonctionné en 2016, lorsque Donald Trump était devenu président alors que sa rivale Hillary Clinton avait obtenu plus de voix au niveau national. Sauf qu’à l’époque, les républicains avaient gagné en grande partie grâce à Donald Trump. Cette fois-ci, s’ils l’emportent ce sera peut-être un peu malgré lui.

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