Avec Le courrier du cameroun et FRANCE 24

Pour répondre à la victoire de l’extrême droite aux élections européennes, Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Une décision qui pourrait se retourner contre le camp du président de la République qui “a pris son risque”, selon les analystes interrogés par France 24.

“Séisme”, “coup de tonnerre”, un pari “fou” ou “extrême”… La presse française rivalise de superlatifs lundi 10 juin, au lendemain de large victoire de l’extrême droite aux élections européennes et de la réponse d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale.

“Répond-on à un pari raté par un autre pari, tel un joueur de casino persuadé de ‘se refaire’ après avoir perdu gros ?”, s’interroge Le Parisien.

C’est la sixième fois dans l’histoire de la Ve République que l’arme de la dissolution, prévue par l’article 12 de la Constitution, est dégainée par le président. Mais cette épée, qui permet de trancher une crise politique par un retour aux urnes, est à double tranchant.

“Emmanuel Macron ‘prend son risque’ et rend les Français juges d’une situation politique inédite”, analyse le politologue Jean Petaux. Roselyne Febvre, cheffe du service politique de France 24, y voit une “décision courageuse”, mais qui pourrait être “lourde de conséquences”. “Cela ne manque pas de panache”, affirme-t-elle, évoquant une “posture gaullienne”.

Des dissolutions payantes, sauf en 1997

Le général Charles de Gaulle avait été le premier à utiliser la dissolution. En octobre 1962, il prend cette décision après l’adoption d’une motion de censure visant à empêcher l’instauration du suffrage universel direct pour l’élection présidentielle. Il provoquera une nouvelle fois des législatives anticipées en 1968, en réponse aux événements du mois de mai. Dans les deux cas, sa majorité parlementaire en sort confortée.

François Mitterrand a lui aussi eu recours deux fois à la dissolution. À chaque fois, il la prononce dans la foulée de sa victoire à la présidentielle, ce qui lui permet de profiter de l’élan autour de sa personne pour obtenir une majorité.

La dernière dissolution en date, en 1997, est la seule qui n’ait pas tournée en faveur du président en  exercice. Jacques Chirac provoque des élections législatives anticipées en espérant conforter sa majorité et en prenant les oppositions de vitesse.

“En 1997, c’est différent. Il n’y avait pas de crise politique, il n’y avait pas de censure du gouvernement Juppé. C’était une dissolution à froid, pour convenance personnelle, comme certains ont pu le dire”, rappelle Jean Petaux.

Résultat, le président est sanctionné par les électeurs. Au terme de la campagne, c’est cependant la “gauche plurielle” qui l’emporte et Lionel Jospin entre à Matignon. Une cohabitation entre gauche et droite commence.

“Macron joue avec le feu”

Conforter ou balayer ? Jean Petaux estime pour sa part qu’Emmanuel Macron respecte l’esprit de l’article 12, “qui prévoit la dissolution en cas de fait ou de crise politique”.

“Il rend les Français juges d’une situation politique nouvelle et inédite, avec un Rassemblement national conduit par Jordan Bardella qui a obtenu plus du double de voix de la majorité présidentielle. C’est une situation politique nouvelle et exceptionnelle qui appelle à une décision exceptionnelle”, analyse le politologue.

“L’annonce a pris tout le monde de court. Je ne trouve pas ça courageux. Emmanuel Macron joue avec le feu et nous amène tout le droit dans le mur”, tempête pour sa part le Républicain Christophe Gomart.

“Emmanuel Macron utilise une stratégie à haut risque” et au dénouement incertain, avertit le politologue Pascal Perrineau.

Quels sont les scénarios possibles ?

Le politologue voit trois scénarios possibles à ces élections législatives anticipées, “et un seul favorable à Emmanuel Macron”. Dans cette hypothèse, expose Jean Petaux, “les Français renvoient le RN à son plafond de verre et renforce la majorité d’Emmanuel Macron en lui redonnant la majorité absolue”.

Pour ce faire, le chef de l’État mise sans doute sur un scrutin uninominal à deux tours, moins favorable à un RN isolé… À condition que le front républicain fonctionne encore.

“On peut aussi se retrouver avec une Assemblée nationale dominée par une nouvelle majorité relative, quelle que soit la formation en tête. La crise ne serait pas dénouée”, avertit Jean Petaux.

“On aura une France qui sera dans une situation de blocage, car on ne pourra plus dissoudre pendant un an”, complète Pascal Perrineau.

“La dernière option, c’est le Rassemblement national qui se retrouve avec une majorité absolue”, analyse Jean Petaux. “Le président Emmanuel Macron devra alors nommer une Première ministre ou un Premier ministre issu de la formation politique qui l’a emporté et ce sera une cohabitation.”

Emmanuel Macron voit-il l’arrivée du RN au gouvernement comme un moindre mal ? Selon différents médias, il estimait en privé ces dernières mois que son arrivée au pouvoir aurait le mérite de démontrer l’impréparation de l’extrême droite au pouvoir. En bref, faire jouer la malédiction de Matignon contre le parti de Marine Le Pen.

“Cette théorie a ses limites. On ne se grille pas forcément à Matignon. Pompidou est devenu président après avoir été Premier ministre”, rappelle Pascal Perrineau. “Et le RN acquerrait ce qui lui manque : une culture de gouvernement. Ils auront les moyens de faire leurs preuves.”

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