Avec Le courrier du cameroun et FRANCE 24
Chaque mois, France 24 revient sur les événements marquants de la campagne présidentielle 2024 aux États-Unis. Ce quatrième numéro revient sur la condamnation historique de Donald Trump par un tribunal pénal à New York, et sur les signaux contradictoires que Joe Biden envoie à son électorat.
Donald Trump a été déclaré coupable des 34 chefs d’accusation qui pesaient contre lui dans l’affaire Stormy Daniels, le 30 mai, par un jury populaire de l’État de New York. C’est la première fois qu’un ancien président américain est condamné au pénal. Il connaîtra sa peine le 11 juillet.
Trump condamné, et après ?
En attendant, il a déjà indiqué qu’il fera appel du jugement, et son nouveau procès ne devrait pas avoir lieu avant la présidentielle. Reste à savoir s’il sera condamné ou non à une peine de prison, ce qui est peu probable, selon les experts. Dans tous les cas, sa candidature à la présidentielle n’est pas remise en cause.
- Un effet peu visible dans les sondages
Voici la question à un milliard de dollars à laquelle personne n’a de réponse ferme : quels seront les effets de sa condamnation sur le résultat de la présidentielle ? Sa base continue à le soutenir coûte que coûte, tout comme l’establishment républicain, qui dénonce un procès politique. Mais les électeurs modérés et indépendants, déjà peu réjouis par sa candidature, trouveront-ils avec cette décision l’argument final pour ne pas voter pour lui ?
Dans un sondage réalisé jeudi 30 mai au soir, juste après la décision du jury, Reuters/Ipsos rapporte qu’un électeur républicain sur dix est désormais moins susceptible de voter Trump. Selon un autre sondage de Morning Consult daté du lendemain, 49 % des électeurs indépendants et 15 % des électeurs républicains souhaitent que Donald Trump renonce à sa candidature. Quelques jours plus tard, le 6 juin, le New York Times et le Sienna College constatent un léger glissement, de deux points, en faveur de Biden, entre deux études réalisées auprès du même échantillon de 2 000 électeurs avant et après le verdict. Parmi les personnes interrogées qui soutenaient Trump avant le verdict, 3 % disent désormais soutenir Biden et 4 % se disent indécises.
- Les autres affaires s’envolent
Le temps est long jusqu’à novembre et les électeurs ont souvent la mémoire courte. D’autant plus que l’effet multiplicateur d’autres potentielles condamnations, avant le 5 novembre, s’éloigne : les autres affaires, plus graves, qui menacent Donald Trump sont pour l’instant coincées dans les rouages de la justice américaine.
En Géorgie, la procédure est au point mort, le temps que la cour d’appel étudie la demande de dessaisissement de la procureure en charge du dossier. En Floride, dans l’affaire fédérale des documents classifiés, la juge Cannon, nommée par Trump, ne cesse de retarder la tenue du procès. Quand au procès fédéral à Washington sur le 6 janvier, il est suspendu à la prochaine décision de la Cour suprême sur l’immunité de Donald Trump.
- Les dollars et les abonnés TikTok abondent
Pour l’instant, la condamnation de Donald Trump a plutôt profité à son trésor de guerre. Sa campagne a levé 53 millions de dollars en ligne dans les 24 heures qui ont suivi le verdict. Au total, pour le mois de mai, la campagne de Donald Trump et le Parti républicain ont levé 141 millions de dollars.
Le camp Biden n’a pas encore publié ses chiffres, mais au mois d’avril, le camp Trump avait déjà pris la tête des levées de fonds avec 76 millions de dollars contre 51 millions. Un rattrapage significatif alors que les démocrates se targuaient d’une large avance financière les mois précédents. Et sur TikTok, le réseau social chinois qu’il avait juré de combattre quand il était président mais qu’il a rejoint le 1er juin, deux jours après sa condamnation, Donald Trump affiche déjà six millions d’abonnés. La campagne de Joe Biden n’en totalise que 371 000.
Joe Biden cherche son cap
Le président démocrate envoie des signaux contradictoires depuis quelques semaines. Tout d’abord, il cherche à satisfaire son électorat historique : les progressistes, les écologistes ou encore les Afro-Américains. Faute de majorité au Congrès, il utilise l’arme de la réglementation.
- Quelques petits coups à gauche…
Son administration a ainsi lancé une procédure pour reclasser le cannabis comme substance moins dangereuse, une étape significative vers la décriminalisation au niveau fédéral. Côté environnemental, le chef de l’État continue à s’en prendre au charbon. En avril, il avait annoncé vouloir durcir, d’ici à 2032, les règles concernant les émissions de CO2 qui émanent des centrales à charbon. En mai, le gouvernement a annoncé vouloir mettre fin à de nouvelles concessions de charbon dans la région américaine qui en produit le plus, située entre le Montana et le Wyoming. Et pour combattre l’érosion du vote afro-américain en faveur du Parti démocrate, Joe Biden a participé à une série d’événements centrés sur les droits civiques au mois de mai. Dans une interview sur une radio d’Atlanta, il a ainsi appelé la communauté noire à se “souvenir de qui est Donald Trump”.
- … et un grand coup à droite
En annonçant un durcissement des règles migratoires, il a brouillé les pistes. L’immigration est l’un des thèmes majeurs de cette campagne et Joe Biden est souvent décrit par l’opposition comme “faible” face aux problèmes rencontrés à la frontière mexicaine. Le 4 juin, il a donc signé un décret visant à interdire l’entrée sur le sol américain aux migrants clandestins qui traversent la frontière pour demander l’asile. Une mesure radicale qui n’a cependant pas eu l’effet escompté. En plus de provoquer la colère dans son camp, elle n’a pas impressionné les républicains, dont le chef de file au à la Chambre des représentants Mike Johnson a parlé de “poudre aux yeux”.
- À l’international, l’impuissance
Et pendant ce temps, Joe Biden continue à s’embourber en politique étrangère, avec des guerres en Ukraine et à Gaza qu’il n’arrive pas à arrêter. Le dossier ukrainien présente une “vulnérabilité” pour Joe Biden dans les États-clés où les cols bleus s’inquiètent de l’argent dépensé pour aider Kiev, rapporte au site Politico Celinda Lake, une sondeuse démocrate qui travaille avec la campagne Biden.
Quant au soutien réitéré de Joe Biden à Israël dans sa guerre à Gaza, et ce malgré le bilan humain terrifiant côté palestinien, il est encore plus problématique pour le président. Ce dernier pourrait non seulement perdre une partie du vote jeune, mais aussi des milliers de petites mains qui s’engagent sur le terrain pour appeler les électeurs à se rendre aux urnes.
Débats : les rendez-vous sont pris
Le 27 juin sur CNN, le 10 septembre sur ABC : Joe Biden et Donald Trump ont accepté de débattre à deux occasions avant l’élection présidentielle du 5 novembre. Cette fois, ce sont les chaînes qui organisent et non la commission indépendante qui s’en occupait depuis 30 ans. Les petits candidats, comme Robert Kennedy Junior, pourront se qualifier seulement s’ils réunissent 15 % d’intentions de vote dans quatre sondages nationaux différents.
Le point sur les sondages
La course reste extrêmement serrée, malgré plusieurs études d’opinion ces derniers jours notant une légère remontée de Joe Biden. Au niveau national, Donald Trump est en tête de 0,8 points, selon la moyenne des sondages calculées par Real Clear. Dans les États-clés, Donald Trump reste encore en tête, mais l’écart est si faible qu’il se situe dans la marge d’erreur en Pennsylvanie (+ 2,3 points, le dernier sondage s’arrêtant au 13 mai), dans le Michigan (+ 0,3 points) et dans le Wisconsin (+ 0,1 points), les trois États dont Joe Biden aura besoin pour être réélu.
“Reich unifié” : le scandale déjà passé aux oubliettes
Le 20 mai, une vidéo publiée sur le compte Truth Social de Donald Trump faisait apparaitre à trois reprises, sur de fausses manchettes de journal annonçant ce qui attend les Américains en cas de réélection du républicain, l’expression “Reich unifié”.
La vidéo a été supprimée le lendemain, l’équipe de campagne de Donald Trump affirmant qu’un membre du personnel du candidat qui était à l’origine du post pendant que son patron était en salle d’audience.
Comme souvent avec Donald Trump, le scandale a été de courte durée. Comme si un clip relayé par un candidat à la présidentielle s’inspirant ouvertement de l’Allemagne nazie n’avait plus rien d’étonnant dans l’Amérique de 2024.