Par Agnès NDEDI PENDA et AFP
La Corée du Nord a reçu l’aide de la Russie pour le lancement d’un satellite de surveillance que Pyongyang a réussi à placer en orbite cette semaine, ont déclaré jeudi des parlementaires sud-coréens, citant les services de renseignement. La Corée du Nord a annoncé qu’elle allait renforcer sa présence militaire à sa frontière avec la Corée du Sud.
La Corée du Nord a reçu l’aide de la Russie pour le lancement de son satellite militaire espion, a affirmé, jeudi 23 novembre, l’agence de renseignement sud-coréenne, Pyongyang souhaitant ainsi renforcer sa présence militaire à sa frontière avec la Corée du Sud.
Le Service de renseignement national sud-coréen a confirmé qu'”après le sommet” entre le président russe Vladimir Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en septembre, “le Nord a fourni à Moscou le plan et les données concernant les premier et deuxième lancements de satellite. La Russie a à son tour analysé ces données et communiqué au Nord des retours”, a soutenu l’agence devant des législateurs, d’après un briefing du député Yoo Sang-bum.
Après deux échecs en mai et en août, la fusée a décollé mardi de Corée du Nord et a placé en orbite le satellite d’observation militaire Malligyong-1, selon les médias d’État. La Corée du Sud a confirmé jeudi que la mise sur orbite avait réussi.
Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a assisté personnellement au lancement de la fusée, et a déjà étudié des photographies des principales bases militaires américaines dans l’île de Guam, dans l’océan Pacifique, prises par le satellite, ont encore affirmé les médias officiels de Pyongyang.
Le lancement s’est fait en violation des résolutions de l’ONU qui interdisent à Pyongyang de se servir de technologies de missiles balistiques. Il a été condamné par la Corée du Sud, le Japon, les États-Unis et les Nations unies.
Le satellite a été “placé sur une trajectoire orbitale”, a indiqué jeudi le Service national de renseignement du Sud lors d’un briefing avec des députés.
Suspension de l’accord militaire de 2018
Le renseignement sud-coréen, qui avait collecté et analysé les débris d’un des satellites tombé en mer après l’échec de son lancement et avait conclu qu’il n’avait aucune utilité militaire, juge toutefois peu probable que le satellite fonctionne déjà, a indiqué Yoo Sang-bum.
“Vu qu’il faut généralement trois ans pour développer un satellite, les affirmations actuelles ne garantissent pas la capacité satellitaire du Nord, à moins que Pyongyang ne rende publiques les photos de la base de Guam qu’il a mentionnées”, a expliqué le député.
Après le lancement, Séoul a partiellement suspendu mercredi un accord militaire conclu le 19 septembre 2018 avec la Corée du Nord pour prévenir les incidents armés le long de la frontière intercoréenne (en créant notamment des “zones tampon” maritimes), et a immédiatement déployé des “moyens de surveillance et de reconnaissance” à cette frontière.
Le ministère nord-coréen de la Défense a qualifié les mesures prises par Séoul d'”imprudentes” et a annoncé qu’il suspendait également l’accord de 2018, dans son intégralité.
La Corée du Nord “ne sera plus jamais liée” par cet accord “réduit depuis longtemps à un vulgaire bout de papier”, a affirmé le ministère dans un communiqué cité par l’agence officielle KCNA.
Pyongyang va désormais “déployer des forces armées plus puissantes et du matériel militaire de type nouveau dans la région située le long de la ligne de démarcation militaire”, a-t-il averti.
La Corée du Nord a également tiré un missile balistique tôt jeudi, mais ce lancement a échoué, selon l’état-major interarmées de Séoul.
Risque d’affrontements accru
Ce lancement de missile est un signe avant-coureur, estime Yang Moo-jin, président de l’Université des études nord-coréennes.
“Afin de montrer que la suspension de l’accord n’est pas un vain mot, on s’attend à une démonstration de force par la violation de la frontière maritime, le déploiement de l’artillerie côtière, les envois de tracts et le lancement de divers missiles”, prédit-il.
“En conséquence, le risque d’affrontements armés accidentels le long de la ligne de démarcation militaire augmentera, de même que le risque que ces conflits armés accidentels dégénèrent en guerre”, ajoute ce chercheur.
Le ministère de la Défense de Corée du Nord a répété jeudi que le lancement du satellite par Pyongyang s’inscrivait dans le cadre du “droit à l’autodéfense” du pays et a fustigé la réaction “extrêmement hystérique” de Séoul.
Le Sud “doit payer cher ses provocations politiques et militaires irresponsables et graves qui ont poussé la situation actuelle vers une phase incontrôlable”, a poursuivi le ministère.
Officiellement, le satellite doit débuter son travail de reconnaissance le 1er décembre, d’après KCNA. Selon des experts, la mise en orbite réussie d’un satellite espion améliorerait les capacités de collecte de renseignements de la Corée du Nord, en particulier au-dessus de la Corée du Sud et de Guam, et fournirait des données cruciales en cas de guerre.
En 2021, Kim Jong-un avait fait du développement d’un satellite espion l’une des priorités du régime.
La Corée du Sud prévoit pour sa part de lancer son premier satellite espion le 30 novembre depuis les États-Unis, via une fusée SpaceX.
Avec AFP