Avec Richard Onanena
Au Cameroun, l’usage sur les aliments du formol, substance déclarée cancérigène, pour faire mûrir ou à l’inverse pour prolonger la conservation de certains aliments, reste répandu malgré une croisade lancée par le gouvernement et les alertes des médecins. Illustrations dans des marchés de la capitale, Yaoundé.
Au Cameroun, l’utilisation dans les marchés du formaldéhyde – encore appelé formol – inquiète. La substance déclarée cancérigène depuis 2004 est utilisée pour faire mûrir ou prolonger la conservation des fruits, et parfois pour conserver la viande et le poisson.
Les médecins tirent la sonnette d’alarme et le gouvernement, de son côté, procède à des saisies. Malgré cela, le formol reste présent dans les marchés.
« On voit seulement comment ils pulvérisent un truc, comme de l’eau »
Par exemple, au marché de Mvog Mbi, dans le 4e arrondissement de Yaoundé, son utilisation sur les aliments est un secret de polichinelle, comme l’atteste cette vendeuse : « Nous, on voit seulement comment on pulvérise un truc, c’est comme de l’eau. Pour les plantains, c’est à la vue de tous. Pour les fruits, on ne voit pas exactement à quel moment ils le font, puisque les fruits viennent nous trouver au marché. Tu achètes ta tranche d’ananas ou ton petit fruit et tu le suces, sans savoir que c’est ça. Donc, il n’y a vraiment que Dieu pour nous garder, car les gens exagèrent. »
Au marché Acacia, à trois kilomètres de Mvog Mbi, Marthe, une cliente régulière, se souvient être tombée sur un régime de plantain mûri au formol : « Au marché, le plantain est tout jaune, la peau est jaune… Mais quand tu arrives à la maison, quand tu enlèves la peau à l’intérieur, c’est dur. Un peu comme si le plantain avait la gale. »
Outre les plantains et autres fruits et légumes, les viandes ou encore les poissons n’échappent pas à cette pratique. Les commerçants utilisent le formol dans l’espoir de prolonger leur conservation. Un véritable danger pour la santé des consommateurs, selon le Dr Dominique Blaise Ngompe, médecin : « Le formol est utilisé dans la conservation afin de retarder le processus naturel de décomposition du corps, comme pour donner un meilleur aspect physique au défunt. En général, le formaldéhyde utilisé sur les denrées alimentaires peut causer des troubles respiratoires, des lésions vésiculaires sévères au niveau de l’estomac, de l’intestin, des reins, etc. »
« Autant acheter directement chez les cultivateurs »
De son côté, le Docteur Polain Nzobeuh, biologiste thérapeute, milite pour la consommation des produits naturels et bio. Pour lui, les produits formolés sont impropres à la consommation car dangereux pour la santé. Comme piste de solution, il préconise l’achat de certains produits directement chez les cultivateurs. « Sur des tonneaux de formol, on met “impropre à la consommation” avec des têtes de mort. Mais comment se fait-il que ce formol se retrouve sur les aliments et qu’on les mange, s’insurge-t-il. C’est un problème de la vie moderne. La vie moderne a besoin que des produits soient fabriqués à des milliers de kilomètres plus loin et puis qu’ils puissent être transportés facilement plus loin, pour conquérir des marchés ».
Il souligne : « Si un produit est frais et naturel, en quelques semaines, il est détérioré. Il faut les conserver et le formol est formidable, parce qu’il fige et il garde frais. Quand vous voyez la viande sur un étal au marché, elle a l’air fraîche, elle est figée, mais aucune mouche ne passe à côté. La vendeuse au marché revend, ne jette pas les avaries et est obligée de mettre du formol.
Le Docteur Polain Nzobeuh conclut : « Donc autant mieux acheter directement chez les cultivateurs. Les ménagères qui sont en alerte partent tôt au marché pour pouvoir voir les vendeuses qui viennent directement des champs avec les produits. Achetez chez elles ! Faites vos achats tôt ! N’achetez pas des choses qui ont passé la nuit ! Mieux encore, ayez votre champ, cultivez certaines choses, ne soyez pas 100 % dépendant. »
Le gouvernement camerounais a lancé une croisade contre l’usage du formol sur les aliments. Les autorités ont annoncé l’interception de plus de 5 000 litres de ce produit chimique, au cours des huit derniers mois de l’année.