Avec AFP

Le coordinateur vidéo de l’Agence France-Presse en Ukraine Arman Soldin a été tué mardi après-midi lors d’une attaque de roquettes russes dans l’est de l’Ukraine, près de la ville assiégée de Bakhmout. De nombreuses voix lui ont rendu hommage, dont celle du président français Emmanuel Macron qui a salué son “courage”.

Témoigner de la bataille de Bakhmout et de la vie des populations condamnées à la survie : le travail récent d’Arman Soldin, tué mardi 9 mai en Ukraine, donne une idée de son engagement à couvrir ce conflit.

Avec ténacité, curiosité mais aussi une bonne humeur contagieuse, le coordinateur vidéo de l’AFP en Ukraine, tué à 32 ans dans une frappe de roquettes dans l’est de l’Ukraine, s’attachait depuis les premiers jours à raconter cette guerre qui entrait en résonance avec son histoire personnelle, lui qui avait fui à un an sa Bosnie natale pour la France.

Dans la soirée, Emmanuel Macron lui a rendu hommage. “Journaliste de l’Agence France-Presse, l’un de nos compatriotes, Arman Soldin, a été tué en Ukraine. Avec courage, dès les premières heures du conflit il était au front pour établir les faits. Pour nous informer”, a tweeté le président français.

À l’Assemblée nationale française, les députés de tous les groupes se sont levés mardi soir pour applaudir en hommage au journaliste.

Le ministère ukrainien de la Défense a présenté ses “sincères condoléances à sa famille et à ses collègues”, ajoutant sur le même réseau social : “Il a consacré sa vie à rendre compte de la vérité au monde”.

“Il nous faut comprendre les circonstances de la mort de ce journaliste”, a déclaré pour sa part le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en appelant à ne pas “prendre pour argent comptant” les affirmations ukrainiennes désignant les Russes comme les auteurs de la frappe mortelle. “Nous ne pouvons qu’être peinés au sujet” de la mort du coordinateur vidéo de l’AFP en Ukraine, a-t-il ajouté.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), organisation basée aux États-Unis, a appelé sur Twitter “les autorités russes et ukrainiennes à enquêter avec rigueur sur les circonstances” de son décès.

“Le monde a une dette envers Arman” et envers “les dix autres reporters et employés de médias qui ont perdu la vie” en couvrant le conflit, a réagi Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison Blanche. “Le journalisme est l’un des fondements d’une société libre”, a-t-elle dit.

De son côté, le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est dit “dévasté” par l’annonce de cette disparition. “Tant de journalistes travaillent pour exposer et rapporter la vérité dans des conditions extrêmement dangereuses”, a-t-il souligné.

“Les histoires de réfugiés me touchent”

À Bakhmout, ville ukrainienne que les forces russes assaillent depuis août dernier, il s’employait, malgré la violence des combats, à filmer la bataille militaire et les destructions engendrées.

Il racontait aussi la vie des gens ordinaires pris dans la guerre et cherchant à survivre dans le chaos. Comme cette femme s’occupant de son jardin à Tchassiv Yar, localité près de Bakhmout où il est mort, ou le livreur de pain à scooter sur les chemins du Donbass.

À Kiev, il avait saisi un moment de tendresse lors d’une partie de jeu vidéo en ligne entre un père enrôlé dans l’armée et son fils réfugié à l’étranger.

Ses images faisaient souvent le tour du monde. Et même après une longue journée de reportage, on le voyait encore télécharger ses images sur les réseaux sociaux. Son obsession : relater au plus grand nombre ce qu’il avait vu de ce qu’il avait décrit comme “une guerre un peu à l’ancienne, en pleine Europe”.

Arman Soldin est né à Sarajevo et était l’un des premiers évacués en France en 1992 au début du siège. Il avait à peine un an. “Les histoires de réfugiés me touchent”, racontait-il l’année dernière pour le blog Making Of de l’AFP, interrogé depuis Kiev alors qu’il s’éclairait à la bougie.

Il parlait couramment français, anglais et italien mais ses origines l’aidaient dans son travail en Ukraine : “Je baragouine un peu en bosniaque, c’est aussi une langue slave, on se comprend un peu.”

Footballeur doué, il avait porté les couleurs du Stade Rennais dans l’ouest de la France, de 2006 à 2008, mais avait abandonné ses espoirs d’accéder à une carrière professionnelle. Le club Rouge et Noir a adressé ses condoléances à sa famille et à ses proches.

C’est comme stagiaire au bureau de Rome qu’il avait rejoint l’AFP en 2015. Arman avait tellement impressionné qu’il avait été rapidement embauché, à Londres la même année, où il s’est retrouvé à couvrir les années mouvementées du Brexit. Il est retourné en Italie en 2020 lors de la pandémie de Covid-19 et trouvait des histoires à raconter même quand tout était fermé et la population confinée, avec la même humanité qui a caractérisé son travail en Ukraine.

“Il était courageux, créatif et tenace”

“Il avait fait une vidéo d’un mec qui dansait tout seul face au Vatican dans Rome déserte, une autre vidéo d’un mec qui faisait du skate dans une ville en Ukraine, complètement dystopique”, raconte un collègue.

Une grande partie des images d’Arman étaient d’ailleurs tournées au téléphone portable, non seulement pour la légèreté mais aussi pour moins impressionner ceux qu’il interrogeait.

Quand la Russie a envahi l’Ukraine en février l’année dernière, Arman s’est porté volontaire pour faire partie des premiers envoyés spéciaux de l’Agence France-Presse.

“L’Agence dans son ensemble est effondrée”, a déclaré Fabrice Fries, le PDG de l’AFP. “Sa mort est un terrible rappel des risques et dangers auxquels sont confrontés les journalistes au quotidien en couvrant le conflit en Ukraine”.

“Il était courageux, créatif et tenace”, lui a rendu hommage le directeur de l’information de l’AFP Phil Chetwynd. “Le travail brillant d’Arman résumait tout ce qui nous rend fier du journalisme de l’AFP en Ukraine”, a-t-il ajouté.

“Il était débordant d’énergie, c’est même ainsi qu’il se définissait lui-même sur les réseaux. D’une dévotion totale à son métier de journaliste”, a salué la directrice Europe de l’AFP, Christine Buhagiar.

Tous ceux qui ont rencontré Arman décrivaient son énergie mais aussi sa bonne humeur communicative.

Le 21 mars dernier, il avait fêté son anniversaire avec une équipe de l’AFP à Kramatorsk, dans l’est de l’Ukraine. “On avait débouché une bonne bouteille pour l’occasion, un collègue avait sorti une guitare”, a raconté l’un de ses rédacteurs en chef, Antoine Lambroschini. “Et lui était là, un petit sourire ravi aux lèvres”.

Avec AFP

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