Par Mathieu Olivier (Jeune Afrique)

Depuis que l’affaire Savannah Energy a éclaté entre le Cameroun et le Tchad, les tensions ne sont pas redescendues à Yaoundé. Le couple Moudiki est fragilisé à la tête de la SNH, tandis que le secrétaire général de la présidence Ferdinand Ngoh Ngoh avance ses pions.

Ferdinand Ngoh Ngoh va-t-il finalement tirer profit de la brouille qui oppose actuellement le Tchad et le Cameroun dans l’affaire Savannah Energy ? À Yaoundé, le secrétaire général de la présidence a pris le dossier en main – sur instructions du chef de l’État Paul Biya – et il s’oppose désormais frontalement à Adolphe Moudiki, directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH).

Ce dernier, lors du dernier conseil d’administration de la SNH à Paris, fin avril, a en effet validé l’entrée de Savannah Energy au capital de Cameroon Oil Transportation Company (Cotco, qui gère la partie camerounaise du pipeline reliant le Tchad au port camerounais de Kribi).

Bataille pour la toute-puissante SNH

Une opération qui a provoqué l’ire des Tchadiens, qui s’y sont opposés jusqu’à rappeler leur ambassadeur à Yaoundé le 20 avril dernier, mais qu’a aussitôt vertement critiquée Ferdinand Ngoh Ngoh. Selon nos sources, ce dernier reproche à Adolphe Moudiki d’être responsable de la brouille opposant les deux capitales et dans laquelle lui-même s’est investi en se rendant à N’Djamena le 27 avril pour rencontrer le président Mahamat Idriss Déby Itno. L’affaire a ensuite été au menu de la rencontre, à Yaoundé, entre Paul Biya et son homologue centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, lequel préside à l’heure actuelle la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale.

Mais, à Yaoundé, l’affaire Savannah est plus politique qu’il n’y paraît. Ferdinand Ngoh Ngoh a en effet, par le passé, tenté plusieurs fois de faire remplacer Adolphe Moudiki à la tête de la toute-puissante SNH. La proximité de ce dernier avec Paul Biya a cependant toujours fait échouer ses plans. « L’affaire Savannah est un moyen pour Ngoh Ngoh de fragiliser un peu plus Moudiki », explique un proche de la présidence.

« En cas de changement à la tête de la SNH, il espère y placer l’un de ses fidèles, qui n’aura pas de relation directe avec le chef de l’État, comme c’est le cas de Moudiki », ajoute-t-il. La direction de la SNH est un enjeu majeur à Yaoundé, où la société pétrolière fait figure de principale pourvoyeuse de fonds – y compris secrets – de la présidence et de certains services spéciaux de sécurité comme le Bataillon d’intervention rapide (BIR).

Nathalie Moudiki en sous-main

Si le destin d’Adolphe Moudiki pourrait se retrouver lié à celui de Savannah Energy – qui fait toujours face à l’hostilité des Tchadiens –, le patriarche camerounais a, selon nos informations, d’abord soutenu l’entrée d’une autre société au capital de Cotco : Perenco. La société franco-britannique s’était en effet portée candidate auprès de lui, mais le projet avait été abandonné. C’est, toujours selon nos sources, l’épouse d’Adolphe Moudiki, Nathalie, qui avait ensuite mis en avant Savannah Energy.

Nathalie Moudiki, intime de Chantal Biya, est ainsi, en sous-main, la grande ordonnatrice de l’opération Savannah qu’est aujourd’hui tenu d’endosser publiquement son époux. Plusieurs acteurs tchadiens et camerounais du dossier soupçonnent d’ailleurs celle-ci d’avoir favorisé l’entrée d’un fils de la Première dame au capital de Savannah, Franck Hertz, via un prête-nom. Une accusation démentie à Jeune Afrique par la société pétrolière britannique.

« Une fois n’est pas coutume, Ferdinand Ngoh Ngoh [dont l’épouse Céline Ngoh Ngoh est une amie de longue date de Chantal Biya] se retrouve opposé à la Première dame dans ce dossier. C’est rare mais cela rappelle à tout le monde qu’il ne travaille pas pour elle et qu’il peut aussi jouer sa carte personnelle », conclut notre source proche du palais présidentiel.

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