Avec Christian Eboulè et AFP

D’après le calendrier électoral, le continent africain devrait connaître six présidentielles en 2023, avec le Nigeria en février, la Sierra Leone en juin, le Liberia en octobre, Madagascar en novembre, la République Démocratique du Congo en décembre et enfin le Gabon, au second semestre. Des échéances parfois incertaines, souvent tendues, et même critiques dans les pays qui n’offrent guère d’alternance pacifique. Sans compter, la Libye et le Soudan du Sud qui passeront leur tour en 2023.

En marge du sommet Afrique – Etats-Unis, qui s’est tenu à Washington du 13 au 15 décembre 2022, et qui a réuni 49 pays africains, le président américain Joe Biden a réuni mercredi 14 décembre, à la Maison-Blanche, six pays africains où se tiendront des élections l’année prochaine. Preuve de l’importance que les Etats-Unis accordent à ces scrutins qu’ils surveilleront sans doute de près.

Ainsi, les présidents Ali Bongo du Gabon, Muhammadu Buhari du Nigeria, George Weah du Liberia, Julius Maada Bio de la Sierra Leone, Andry Rajoelina de Madagascar et Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo de la RDC, et leurs délégations, ont été invités à discuter en petit comité avec le président Joe Biden.

Il s’agira de scrutins majeurs. D’où l’avertissement lancé peu avant le début du sommet par le conseiller à la sécurité nationale du président américain, Jake Sullivan : les Etats-Unis veilleront à ce que ces élections soient « libres, justes et crédibles. »

Si au Nigeria, le président sortant, Muhammadu Buhari, ne peut plus se représenter après deux mandats successifs, depuis son arrivée au pouvoir en 2015, en Sierra Leone, au Liberia, à Madagascar et en RDC, les présidents sortants Julius Maada Bio, George Weah, Andry Rajoelina et Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, au pouvoir respectivement depuis 2018 pour les deux premiers et 2019, pour les deux autres, devraient briguer chacun un nouveau mandat.

Par ailleurs, en Libye, l’impasse dans laquelle se trouve le pays empêche la tenue d’élections prévues initialement en décembre 2021. Et au Sud-Soudan, les élections prévues en février 2023 ont à nouveau été reportées.  

La présidentielle au Nigeria – 25 février 2023

Après deux mandats consécutifs, l’actuel chef de l’Etat Muhammadu Buhari ne peut plus se présenter à ce scrutin, comme le prévoit la Constitution nigériane. Afin que cette élection se déroule dans les meilleures conditions, les quatre principaux candidats, Atiku Abubakar, leader du principal parti d’opposition, le PDP, Parti démocratique populaire, Peter Obi, leader du Parti travailliste, Rabiu Kwankwaso du New Nigerian Peoples Party, et Bola Ahmed Tinubu, le candidat du parti au pouvoir, APC, le Congrès des progressistes, se sont engagés à éviter toutes formes de violences jusqu’au 25 février prochain, date du scrutin. Au cours d’une cérémonie qui s’est tenue fin septembre dernier à Abuja, la capitale nigériane, tous ces candidats ont adhéré à un pacte promu par le Comité national de la paix, une initiative que l’on doit notamment aux chefs religieux et traditionnels, ainsi qu’à la société civile.

A nouveau candidat à la présidentielle nigériane, Atiku Abubakar, du Parti démocratique populaire, assiste ici à un rassemblement électoral sur la place Tafawa Balewa, à Lagos, au Nigeria, le 12 février 2019.

A nouveau candidat à la présidentielle nigériane, Atiku Abubakar, du Parti démocratique populaire, assiste ici à un rassemblement électoral sur la place Tafawa Balewa, à Lagos, au Nigeria, le 12 février 2019.

Avec près de 220 millions d’habitants et une économie qui est l’une des plus importantes du continent, le Nigeria fait figure de géant. Mais depuis la pandémie de Covid-19, le pays traverse une très grave crise économique. Et comme pour de nombreux pays du continent, la situation a empiré avec la guerre lancée par la Russie en Ukraine. Par ailleurs, le pays est toujours en proie à une insécurité généralisée, avec en particulier le terrorisme de Boko Haram. Les élections étant souvent source de tensions, beaucoup craignaient que la campagne électorale ne donne lieu à des violences supplémentaires.

Tinubu Bola Ahmed Tinubu, candidat à la présidence du All Progressives Congress, parti au pouvoir au Nigéria, assiste à la campagne de lancement avant les élections présidentielles de 2023, à Jos, au Nigéria, le mardi 15 novembre 2022.

Pour cette présidentielle 2023, le principe de l’alternance à la nigériane n’a pas été respecté. Dans ce pays en effet, un accord tacite veut que la présidence soit occupée alternativement par un candidat du Nord du pays, majoritairement musulman, puis un candidat du Sud, majoritairement chrétien. Or, pour la prochaine élection, l’APC, le parti au pouvoir, a désigné Bola Ahmed Tinubu, certes originaire du Sud, mais de confession musulmane. Le président sortant, Muhammadu Buhari est en effet musulman et originaire du Nord. Quant au principal parti d’opposition, le PDP, il a choisi Atiku Abubakar, lui aussi originaire du Nord du pays.

La présidentielle au Gabon – second semestre 2023

La prochaine élection présidentielle, suivie immédiatement par les législatives et les locales, devrait se tenir durant le second semestre 2023, sans doute en août prochain. Depuis le dernier congrès du PDG, le Parti démocratique gabonais, parti au pouvoir, qui s’est tenu en mars dernier à Libreville, la capitale gabonaise, peu de doutes subsistent sur la volonté du président Ali Bongo Ondimba de briguer un nouveau mandat. D’ailleurs, ces dernières semaines, les conseils provinciaux du PDG qui se sont déroulés dans les chefs-lieux des neuf provinces du pays se sont soldés par des motions de soutien à la candidature du président sortant. En attendant, pouvoir et opposition se battent sur des questions sensibles telles que la révision des listes électorales, le nouveau centre gabonais des élections… Des querelles qui rappellent les violentes contestations qui avaient émaillé la présidentielle de 2016, dont les résultats n’ont jamais été reconnus par Jean Ping, le principal opposant à l’époque du président Ali Bongo Ondimba.  

Le président gabonais Ali Bongo Ondimba, lors des célébrations marquant le 75e anniversaire de l'UNESCO, à Paris, le vendredi 12 novembre 2021.

Et pour le prochain scrutin présidentiel, la présidente de l’Union nationale, Paulette Missambo, a lancé fin novembre un appel à l’unité de l’opposition. Celle-ci est consciente de la difficulté pour chacun des partis, pris individuellement, de gagner l’élection face au président sortant Ali Bongo Ondimba. Alexandre Barro-Chambrier, ancien ministre et ancien membre du PDG qu’il a quitté en 2016, aujourd’hui président du RPM, le Rassemblement pour la patrie et la modernité, apparaît comme l’un des opposants les plus sérieux du président sortant. Répondant favorablement à l’appel de Paulette Missambo, il a confié à nos confrères de RFI qu’il faut « une alliance saine, objective, car le pouvoir compte sur nos divisions. »

La présidentielle en Sierra Leone – 24 juin 2023

C’est en mars 2022 que la Commission électorale de Sierra Leone a annoncé la tenue le 24 juin 2023 de l’élection présidentielle, qui se déroulera en même temps que le second tour des élections des membres ordinaires du Parlement, ainsi que les représentants des conseils locaux. Peu avant cette annonce, l’opposition avait accusé le parti au pouvoir, le SLPP, le Parti du peuple de Sierra Leone, et le président sortant Julius Maada Bio, de tentative de viol de la Constitution. L’opposition les soupçonnait de vouloir déplacer les élections en 2024, en mettant en avant comme excuse la pandémie de Covid-19. L’annonce de la Commission électorale a mis fin à ces accusations.

Sur cette photo d'archive du 11 août 2003, l'ex-président libérien Charles Taylor, part avec sa femme Jewel Howard-Taylor, après avoir officiellement remis le pouvoir de la présidence à son vice-président Moses Blah, au manoir exécutif de Monrovia, la capitale libérienne.

Face à au président sortant, les responsables de quinze partis d’opposition ont entamé des discussions afin de mettre sur pied une coalition susceptible de mettre fin au régime du président Julius Maada Bio. Cette coalition qui regroupe la quasi-totalité des partis d’opposition, est dirigée par une femme : Femi Claudius Cole, qui dirige le Parti de l’unité. Les rivalités au sein de la coalition pourraient compromettre leur volonté de désigner un candidat unique pour la prochaine présidentielle. Ainsi, le leader du All People’s Congress, APC, et candidat malheureux lors du scrutin de 2018, voudra sans doute prendre sa revanche. Face à lui, deux autres candidats sérieux : Samuel Sam Sumana, fondateur du C4C, la Coalition pour le changement, et Kandeh Kolleh Yumkella, candidat du NGC, le National Grand Coalition.

La présidentielle au Liberia – octobre 2023

En septembre 2022, les responsables de la coalition au pouvoir au Liberia, ont annoncé leur volonté de reconduire le duo gagnant de la précédente élection constitué par le président sortant George Weah, et sa vice-présidente Jewel Howard Taylor, lors du scrutin présidentiel d’octobre 2023. L’annonce a été faite à travers une déclaration signée notamment par les leaders du CDC, Congress for Democratic Change, le NPP, New Patriotic Party, et le LPDP, Liberia People’s Democratic Party. C’est en 2016 que cette coalition, alors dirigée par le sénateur George Weah, avait été mise sur pied, afin de venir à bout du régime de l’ancienne présidente Ellen Johnson Sirleaf. Mais au Liberia aujourd’hui, la presse locale évoque des tensions entre le président George Weah et sa vice-présidente Jewel Howard-Taylor, ex-femme du dictateur Charles Taylor.

Quant à l’opposition, elle a appelé il y a quelques jours, à manifester contre le président Geroge Weah, qu’elle accuse de ne rien faire face à la dégradation des conditions de vie des populations. Réunie au sein d’une coalition, la CPP, Collaborating Political Parties, l’opposition locale est notamment conduite par Alexander Cummings, le leader de l’ANC, Alternative National Congress, qui s’annonce comme l’un des principaux adversaires du président George Weah. La coalition de l’opposition dénonce également l’absence prolongée du président, qui, depuis fin octobre, a multiplié les déplacements à l’étranger, le dernier étant en séjour au Qatar lors de la Coupe du monde à laquelle a pris part l’un de ses enfants, Timothy Weah, qui jouait avec l’équipe des Etats-Unis.

L’élection présidentielle à Madagascar – novembre 2023

A quelques mois de la prochaine élection présidentielle prévue en novembre 2023, le chef de l’Etat malgache Andry Rajoelina ne s’est toujours pas officiellement déclaré candidat. En revanche, il sillonne le pays dans ce qui ressemble peu ou prou à une pré-campagne électorale. Elu président de la République en décembre 2018, Andry Rajoelina devra bientôt faire face à la délicate épreuve du bilan. Il avait promis de rattraper en cinq ans, le retard accumulé depuis l’indépendance du pays en 1960. Président de la transition entre 2009 et 2014, il pourrait aussi faire face à ce passé qui l’avait conduit à renverser le président Marc Ravalomanana lors d’un coup d’Etat mené avec le soutien de l’armée en 2009.

Lors de l'élection présidentielle de 2018, le candidat Marc Ravalomanana quitte le bureau de vote, après avoir voté pour le second tour, à Antananarivo, Madagascar, le mercredi 19 décembre 2018.

L’opposition quant à elle s’est réunie en novembre 2021 autour du groupe de l’opposition Panorama, une plateforme constituée de 17 partis politiques, avec comme principaux leaders, l’ancien président malgache Hery Rajaonarimampianina, du HVM, Hery Vaovao ho an’i Madagasikara (« Nouvelle puissance pour Madagascar »), ou encore le MTS, Malagasy Tonga Saina, du député de Tamatave Roland Ratsiraka. Le lancement de cette plateforme avait notamment été marqué par la poignée de main, en guise de réconciliation, entre Roland Ratsiraka et l’ancien président Marc Ravalomanana, invité par la plateforme. A quelques mois de la présidentielle, cette opposition peine à se structurer et à s’imposer sur la scène politique locale.

La présidentielle en République démocratique du Congo – 20 décembre 2023

Le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, qui a succédé à Joseph Kabila en janvier 2019, à l’issue d’un scrutin très controversé, affiche volontiers son intention de briguer un nouveau mandat. Les partisans du président sortant s’organisent déjà. Le Rassemblement des Tshisekedistes, un appendice de l’UDPS, l’Union pour la démocratie et le progrès social, le parti au pouvoir, a tenu son premier congrès le 15 décembre dernier, à Kinshasa. Objectif : désigner le président sortant comme candidat à un second mandat.

Moise Katumbi, lors d'une conférence de presse tenue au bureau de son avocat à Paris, en France, le vendredi 16 juin 2017.

Dans ce pays de plus de 90 millions d’habitants, vaste comme l’Europe occidentale, les élections sont une véritable gageure. La CENI, la Commission électorale nationale indépendante, tout comme la présidence congolaise, affirment que les élections auront lieu en temps et en heure.

Le début de l’enrôlement des électeurs est même prévu dès le 24 décembre 2022. Toutefois, les observateurs du processus électoral restent quelque peu réservés. Il y a également la question sécuritaire dans l’Est de la RDC. En 2018 déjà, les électeurs n’avaient pas pu se rendre aux urnes dans certaines villes du Nord-Kivu. Pourtant, cette province constitue l’un des plus grands bassins d’électeurs du pays.

Sur cette photo d'archive, après l'élection présidentielle de 2018, le candidat de l'opposition Martin Fayulu s'adresse à la presse au siège de son parti, à Kinshasa, en RDC, le 10 décembre 2019.

Malgré tout, les annonces de candidature se succèdent. L’une des dernières en date est celle de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga (2007-2015), dans le sud-est du pays, riche région minière et poumon économique. Depuis deux ans, le parti de Moïse Katumbi, Ensemble pour la République, appartenait pourtant à l’Union sacrée, la coalition qui soutient le président Tshisekedi. Investi par son parti (ECIDé, Engagement pour la citoyenneté et le développement) en juillet 2022, l’opposant congolais Martin Fayulu, qui continue de revendiquer la victoire lors du scrutin présidentiel de 2018, fait également figure de candidat sérieux. Dans l’hypothèse d’un report du scrutin en 2024, Martin Fayulu appelle le président Félix Tshisekedi à quitter le pouvoir dans les délais constitutionnels, afin qu’un président de transition organise les élections présidentielle et législatives dans un délai maximum de 4 mois.

Les élections au Soudan du Sud reportées

Initialement prévues en février 2023, les élections sud-soudanaises ont été reportées. En août 2022, le gouvernement d’union nationale a annoncé qu’il resterait en place jusqu’en février 2025. Et le 7 décembre dernier, selon nos confrères de l’AFP, le parti au pouvoir au Soudan du Sud, le SPLM, le Mouvement populaire de libération du Soudan, a approuvé la candidature du président Salva Kiir pour un nouveau mandat lors des élections prévues pour la fin de l’année 2024. Le président Salva Kiir a accepté le soutien du parti.

Le président sud-soudanais Salva Kiir, à gauche, et le vice-président Riek Machar, à droite, se serrent la main après des réunions pour discuter des questions en suspens de l'accord de paix, le 20 octobre 2019.

Ces élections devaient mettre un terme à la transition qui, dès 2020, a succédé à la guerre civile (2013-2020). Les prérequis aux élections contenus dans l’accord de paix de 2018 tardent en effet à être mis en œuvre. Il s’agit notamment du recensement de la population, du retour des 4 millions de réfugiés et déplacés internes, l’unification des forces armées ou encore de la rédaction de la Constitution.

Après l’indépendance du pays en 2011, le Soudan du Sud a connu une guerre civile qui a opposé les forces du président Salva Kiir à celle de son rival Riek Machar. Ce dernier s’est en effet éloigné du parti au pouvoir fin 2013, provoquant une scission au sein de l’armée et le déclenchement de la guerre civile. Aucun autre candidat ne s’est encore déclaré, mais Riek Machar sera sans doute le seul à s’opposer au président Salva Kiir.

La Libye dans l’impasse

Le 16 décembre dernier, lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies au cours de laquelle Abdoulaye Bathily, le chef de la MANUL, la Mission d’appui des Nations unies en Libye, est venu présenter son rapport d’activités, il a déclaré que « les rivalités politiques ne peuvent plus servir de justification pour prendre en otage tout un pays. » Selon Abdoulaye Bathily, les dirigeants libyens ne sont toujours pas parvenus à « surmonter leurs divergences pour résoudre la crise de légitimité des institutions intérimaires. »

Une situation qui crée un risque de division du pays. D’ailleurs, sur le terrain, des signes d’une partition sont déjà visibles, puisqu’il y a selon ce rapport « deux gouvernements, des appareils sécuritaires distincts, une banque centrale divisée, une répartition inégale des revenus pétroliers et gaziers… »  Toujours selon le chef de la MANUL, « le Conseil de sécurité devrait (alors) tenir responsables toutes les personnes et entités qui compromettent, directement ou indirectement, la tenue d’élections. »

Fathi Bashagha, l'un des premiers ministres rivaux de la Libye, donne une interview à Associated Press, à Syrte, en Libye, le 25 mai 2022.

Depuis 2011, la Libye a connu de nombreux épisodes de violences armées et de confrontation entre camps rivaux. Il y a du côté de la capitale, Tripoli, le gouvernement d’unité nationale mis sur pied début 2021, et qui résulte du processus de médiation de l’ONU. A Tobrouk, dans l’Est du pays cependant, le Parlement et les forces du maréchal Haftar s’opposent à ce gouvernement.

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