Par Myriam Sandouno – Cité du Vatican

Le Souverain pontife a présidé dimanche 9 octobre place Saint-Pierre la messe de canonisation des bienheureux Giovanni Battista Scalabrini et Artemide Zatti devant 50 000 fidèles. Dans son homélie, François a exhorté les fidèles à la gratitude, à marcher ensemble dans la foi chrétienne, et à l’inclusion des migrants. «Leur exclusion est scandaleuse», a t-il déclaré .

Dans l’Évangile du jour de saint Luc, alors que Jésus est en chemin, dix lépreux viennent à sa rencontre en criant: «Aie pitié de nous» (Lc 17, 13). Les dix sont guéris, mais un seul d’entre eux revient pour remercier Jésus: c’est un Samaritain, une sorte d’hérétique. Au début, ils marchent ensemble, mais ensuite ce Samaritain fait la différence lorsqu’il revient «en louant Dieu à haute voix» (v. 15). Ce passage biblique, selon le Pape, pousse à la réflexion de deux aspects fondamentaux: «marcher ensemble et rendre grâce».

Marcher ensemble

François évoque dans son homélie aucune différence entre le samaritain et les neuf autres lépreux, qui vont à la rencontre de Jésus. La lèpre à cette époque, explique-t-il, n’était pas seulement un fléau physique mais aussi une «maladie sociale», car par peur de contamination, les lépreux devaient rester en dehors de la communauté. Ils étaient tenus à l’écart, relégués en marge de la vie sociale et même religieuse.

«Marchant ensemble, ces lépreux expriment leur désarroi contre une société qui les exclut», affirme le Pape, signifiant que le Samaritain, même s’il est considéré comme un hérétique, un «étranger», fait groupe avec les autres. Selon lui, la maladie et la fragilité communes, font tomber les barrières et dépasser toute exclusion.

C’est une «belle image» pour les chrétiens, explique le Souverain pontife, car «si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous nous rappelons que nous sommes tous malades dans le cœur, que nous sommes tous pécheurs, dans le besoin de la miséricorde du Père». Et, «nous cessons alors de nous diviser sur la base des mérites, des rôles que nous jouons ou de tout autre aspect extérieur de la vie, et les murs intérieurs, les préjugés, tombent». Ainsi, dit le Pape, l’on se redécouvre «frères».

Se dépouiller des armures et barrières défensives

Rappelant aussi l’histoire de Naman dans la première Lecture, il invite les chrétiens à se dépouiller «des armures extérieures, des barrières défensives», et prendre un bon bain d’humilité, comme le général syrien Naaman, qui bien que riche et puissant, atteint de lèpre, a dû pour être guéri, se plonger dans le fleuve dans lequel tous les autres se baignaient, enlevant son armure, ses vêtements. Une attitude qui rappelle «que nous sommes tous fragiles à l’intérieur et que nous avons besoin de guérison», affirme François. 

«La foi chrétienne nous demande toujours de marcher ensemble avec les autres», conseille le Saint-Père, invitant les fidèles et pèlerins venus pour la canonisation des bienheureux Giovanni Battista Scalabrini et Artemide Zatti, à ne jamais «être des marcheurs solitaires». Cette même foi, poursuit-il, invite également à sortir de «soi-même» vers Dieu et ses frères et sœurs, demandant de toujours reconnaître que «nous avons besoin de guérison et de pardon, et de partager les fragilités de ceux qui nous entourent, sans nous sentir supérieurs», dit le Pape.

L’attitude d’accueil

Poursuivant son homélie, François exhorte les chrétiens à «marcher ensemble» avec les autres dans les milieux du travail, de famille et autres lieux fréquentés, les invitant aussi à faire une introspection personnelle. «Marcher ensemble», dit-il, c’est aussi la vocation de l’Église, c’est également se demander dans quelle mesure nous «sommes réellement des communautés ouvertes et inclusives envers tout le monde; capables de travailler ensemble, prêtres et laïcs, au service de l’Évangile». Le Saint-Père invite à se pencher sur l’attitude d’accueil, que l’on doit avoir -non seulement avec des mots mais avec des gestes concrets- envers ceux qui sont loin, également envers «tous ceux qui s’approchent de nous», ne se sentant pas à la hauteur, à cause de leurs parcours de vie mouvementés.

L’action de grâce

Le deuxième aspect sur lequel le Pape s’est penché au cours de son homélie est «l’action de grâce». Revenant sur l’Évangile du jour, François rappelle la reconnaissance d’un lépreux guéri envers Dieu. Dans le groupe des dix lépreux, il n’y en a eu que lui, qui se voyant guéri, s’est retourné louer Dieu et montrer de la gratitude à Jésus. L’attitude de ce samaritain pour le Pape, n’est pas un «simple geste de courtoisie», mais le début d’un parcours de reconnaissance. 

«C‘est une grande leçon» pour les chrétiens qui bénéficient chaque jour des dons de Dieu, mais qui «suivent souvent leur propre chemin», oubliant de cultiver une relation vivante avec Lui. «C’est une vilaine maladie spirituelle», déplore le Souverain pontife. Tout considérer comme acquis, même la foi, même «sa relation avec Dieu», au point de devenir des chrétiens qui ne savent plus s’étonner, qui ne savent plus dire «merci», qui ne se montrent pas reconnaissants, qui ne savent pas voir les merveilles du Seigneur. C’est ainsi, affirme-t-il, que «nous finissons par penser que tout ce que nous recevons chaque jour est évident et dû».

Le mot clé «Merci»

Le Souverain pontife exhorte à la gratitude. Le fait de savoir dire “merci“, déclare-t-il, nous amène à affirmer la présence du Dieu-amour, à reconnaître l’importance des autres, en surmontant l’insatisfaction et l’indifférence qui enlaidissent le cœur. Il est fondamental de savoir rendre grâce, dit le Pape.

Chaque jour, dire merci au Seigneur, savoir nous remercier les uns les autres, en famille, pour ces petites choses que nous recevons parfois «sans même nous demander» d’où elles viennent; dans les lieux que nous fréquentons quotidiennement, pour les nombreux services dont nous bénéficions et pour les personnes qui nous soutiennent; dans nos communautés chrétiennes, pour l’amour de Dieu que nous expérimentons à travers la proximité des frères et sœurs qui, souvent en silence, prient, offrent, souffrent, marchent avec nous. S’il vous plait, insiste le Saint-Père, n’oublions pas ce mot clé: «Merci!»

Les saints Giovanni Battista et Artemide Zatti

Enfin, le Pape est revenu sur l’itinéraire des deux saints canonisés, Giovanni Battista Scalabrini et Artemide Zatti, qui rappellent l’importance de «marcher ensemble et de savoir rendre grâce». Mgr Scalabrini, qui fonda une Congrégation pour le soin des émigrés, affirmait que dans la marche commune de ceux qui émigrent, il ne faut pas voir seulement des problèmes, mais aussi un dessein de la Providence, fait savoir le Pape.

«C’est justement à cause des migrations forcées par les persécutions -disait-il- que l’Église a dépassé les frontières de Jérusalem et d’Israël et est devenue “catholique”; grâce aux migrations d’aujourd’hui, l’Église sera un instrument de paix et de communion entre les peuples» (L’emigrazione degli operai italiani, Ferrara 1899). Scalabrini regardait au-delà, il regardait en avant, vers un monde et une Église sans barrières, sans étrangers. Quant au frère salésien Artemide Zatti, François le présente comme un exemple vivant de gratitude. Guéri de la tuberculose, il a consacré toute sa vie à gratifier les autres, à soigner les malades avec amour et tendresse. «On dit qu’il a été vu portant le cadavre d’un de ses malades sur ses épaules», raconte le Pape. Plein de gratitude pour ce qu’il avait reçu, il voulut dire son «merci» en prenant sur lui les blessures des autres.

«Recevons-nous les migrants comme des frères et sœurs?»

Improvisant dans son homélie, François a eu une pensée très forte pour les migrants. Leur exclusion «est scandaleuse et criminelle. Elle les fait mourir avant nous», a-t-il lancé, rappelant une nouvelle fois comment la Méditerranée est devenu «le plus grand cimetière du monde». «C’est un péché, un crime», ajoute-t-il. Le Pape exhorte à leur ouvrir les portes. «Non, on ne les exclut pas, on les envoie ailleurs: dans les camps, où ils sont exploités et vendus comme esclaves. Frères et sœurs, aujourd’hui nous pensons à nos migrants, ceux qui meurent. Et ceux qui sont capables d’entrer, les recevons-nous comme des frères ou les exploitons-nous? Je vous pose la question».

Le Pape a aussi fait allusion aux réfugiés ukrainiens en particulier: «Il y a une migration en ce moment, ici en Europe, qui nous fait tant souffrir et nous pousse à ouvrir nos cœurs: la migration des Ukrainiens qui fuient la guerre. N’oublions pas aujourd’hui l’Ukraine martyrisée!

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