Avec Le courrier du cameroun et Prof Vincent- Sosthène FOUDA
Quand Jean-Marie Benoit Bala était enfant et qu’il venait en vacances dans la localité, ses cousins et lui adoraient se faire peur en se racontant l’histoire de Mgr Graffin et sa longue barbe blanche qui attendait les enfants entre deux palmiers au détour de la piste sinueuse qui mène à l’église.
Il y a cette route de la foi qui parcourt une grande partie des régions du Centre et du Sud Cameroun. Elle est censée représenter l’âme du pays Ekang. Le peuple Ekang est celui qui, lance à la main à clamer au bout de la fatigue due à sa longue marche que conte son épopée, “je voudrais atteindre la voûte de l’écorce céleste”. Voilà sa réalité anthropologique.
Il s’est installé dans le Golfe de Guinée et il rassemble sous le grand Adzap son arbre mythique, 25 millions d’hommes, de femmes et d’enfants. En dépliant la carte du Golfe de Guinée, le peuple Ekang habite 7 pays : Sao-Tomé et Principe, Angola, Gabon, Guinée Equatoriale, Congo, Centrafrique et Cameroun.
Voilà sa réalité géographique et démographique.
L’âme d’un village dans le pays Ekang se trouve dans les églises qui s’y sont construites tout au long de ce chemin sinueux et la plus en vue est l’Eglise Notre Dame des Sept Douleurs d’Akono. Elle fut construite de 1933 à 1937 sur le modèle de la Cathédrale Notre-Dame de Paris.
Elle trône seule au milieu des palmiers sur cette terre que Fouda Mendoumou céda autrefois aux missionnaires allemands mais l’Eglise est l’œuvre d’un Alsacien Spiritain; Antoine Stoll (1890-1973). Le premier levé, et à bonne heure, toujours à son poste, il a entraîné son peuple à la pratique de la religion, à l’assistance a u x offices, à la fréquentation des sacrements. Il n’est pas de paroisse où les fêtes religieuses soient plus solennelles qu’à Akono sur cette route de la foi et où l’esprit paroissial soit plus vivant. Antoine Stoll est rentré en Alsace en 1940. Il est enterré à Wolxheim en 1973, il a cependant laissé derrière lui la ferveur religieuse qui se récolte dans les sacrements de baptême, de confirmation, de mariage, d’extrême onction et de funérailles. Si le Père Antoine Stoll a porté ce projet en galvanisant ses paroissiens, si Fouda Mendoumou a cédé ses terres dont sa cacaoyère pour la construction de la paroisse et de don presbytère, son frère fit de même afin de permettre la construction plu tard d’un séminaire, d’un collège et d’un dispensaire.
Les Mvog Dzou la sixième branche du rameau Tsoung’Mballa se mobilisa dans la collecte des fonds. Les noms des 89 familles donatrices sont inscrits sur les cloches de l’église pour témoigner de la générosité de ces familles.
Antoine Stoll s’était projeté pour bâtir son église sur plusieurs années en avant, il avait tenu compte que la bourgade se développera, qu’une route piste puis une route passeront peut être un chemin de fer. Voilà pourquoi l’église notre Dame de Sept douleurs se dresse sur la partie la plus occidentale du centre administratif d’Akono. C’est pourtant le premier édifice que l’on voit en arrivant de Kribi ou de Yaoundé. Pour l’atteindre pourtant, il faut aujourd’hui emprunter quatre marches d’escaliers et parcourir deux cents metres d’une piste gazonneuse bordée de goyaviers et de palmiers sauvages.
Quand Jean-Marie Benoit Bala était enfant et qu’il venait en vacances dans la localité, ses cousins et lui adoraient se faire peur en se racontant l’histoire de Mgr Graffin et sa longue barbe blanche qui attendait les enfants entre deux palmiers au détour de la piste sinueuse qui mène à l’église. En 2017, on peut que se souvenir que la foi est quelque chose de fragile. On vous repete au qu’il suffit qu’elle fasse la taille d’un grain de moutarde pour déplacer des montagnes ou je ne sais quelles autres conneries du même genre, mais la réalité c’est qu’il ne faut pas grand-chose pour la détruire. Tombez malade, perdre un ami dans un accident de circulation, retrouvez-vous criblé de dettes, perdez votre évêque dans l’eau… et votre foi se fera la malle plus rapidement qu’un bon a rien.
Aujourd’hui tout au long de ce chemin se dressent des grosses villas construites par les filles et filles du pays toujours avec des fonds suspects et douteux. Le cœur du pays Ekang bat au rythme des cantiques de Pie Claude Ngumu, Robert Akamba et de François Xavier Amara, qui emplissent les Églises tous les jours de la semaine, mais son âme est une vérité qu’il faut extraire de la sueur des amants adultères qui vivent dans la cité, du sang qui coule tous les jours dans les maisons aux portes closes, avec des hommes qui forcent un peu trop sur l’alcool avant de se transformer en tambour major, sauf que le tambour ici ce sont leurs épouses et leurs enfants. Sur cette route de la foi, les gens sont aussi jaloux, haineux, tordus, pervers oui pervers… ils volent et ils mentent et ils mentent en affirmant qu’ils n’ont jamais rien volé. Les hommes trompent leur femmes, violent leurs filles et tout ce petit monde va à la messe le dimanche et entonne le tantum ergo Sacramentum, communient au corps du Christ.
En traversant le village Banhof – Oveng ou les Tsinga et les Etoudi venus chacun vivre sur les terres de leurs oncles maternelles avant de s’y installer durablement je regardai longuement la case de la famille Bala. C’était une case à l’ancienne au dos de gorille qui avait perdu toute sa fraicheur. Avec À l’image des gens qui peuplent nos petits villages, oui je découvris, que ces petits villages sont pleins de petits secrets. Secrets de la chair; pas que. Secret du sang. Serments cachés, et promesses murmurées qui ne pouvaient demeurer dans le secret de la confession. Parce que Jean Marie Benoît le mentiona par écrit dans un calepin qu’il tenait ouvert sur son bureau, le secret murmuré en confession se transforma pour tous en mensonge aussi vite que le lait caillé sous le soleil de Kaélé.