Avec AFP
Les rebelles touaregs ont revendiqué mardi la prise d’une base militaire laissée vacante par l’ONU à Kidal, ville stratégique du nord du Mali, ce qui pourrait provoquer une intensification des affrontements avec l’armée malienne, laquelle espère reprendre le contrôle de la région.
La mission de l’ONU au Mali a quitté, mardi 31 octobre, son camp de Kidal, laissant la rébellion séparatiste à dominante touarègue en prendre le contrôle et devancer l’armée malienne dans la course pour le territoire entre l’État central et les groupes armés du Nord.
La junte au pouvoir à Bamako, prise de vitesse, se retrouve placée devant la question de la réponse à apporter à ce nouvel acte d’insoumission de la part de rebelles dont Kidal est le bastion et qui viennent de reprendre les armes, alors qu’elle a comme mantra la restauration de la souveraineté territoriale dans un pays en proie depuis 2012 au jihadisme et à l’instabilité.
Le désengagement de Kidal éclaire aussi d’une lumière crue les conditions dégradées dans lesquelles la Minusma quitte le Mali sur injonction de la junte après dix ans de déploiement.
La Minusma, contrainte par la dégradation sécuritaire entre tous les acteurs armés se disputant le contrôle du terrain (séparatistes, jihadistes, armée régulière), a accéléré son retrait à la grande irritation de la junte. Elle a laissé ses positions à Kidal sans attendre l’arrivée de l’armée.
Les Casques bleus ont quitté leur camp de Kidal au matin dans un long convoi composé de dizaines de véhicules blancs en direction de Gao, grande ville du Nord à environ 350 km, ont indiqué des sources au sein de la mission. C’est le troisième et dernier camp évacué par la Minusma dans la région de Kidal, après Tessalit et Aguelhok.
Les rebelles ont rapidement occupé les lieux, a indiqué à l’AFP un élu local s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
Le Cadre stratégique permanent (CSP) “prend désormais le contrôle des emprises abandonnées par la Minusma à Kidal”, a dit dans un communiqué cette alliance de groupes rebelles.
Regrets de l’armée malienne
L’armée malienne a constaté sur les réseaux sociaux, “une fois de plus et avec beaucoup de regrets”, que la Minusma partait sans rétrocéder le camp aux autorités.
La délicate opération d’évacuation de Kidal était anticipée depuis des semaines comme la plus inflammable de celles conduites par la Minusma depuis août.
Kidal est en effet sous le contrôle de la rébellion. Ces groupes, qui avaient conclu un accord de paix avec le gouvernement en 2015, viennent de reprendre les hostilités. Ils s’opposent à ce que la Minusma remette ses camps aux autorités maliennes.
L’insoumission de Kidal, région où l’armée a subi d’humiliantes défaites entre 2012 et 2014, est un vieux motif d’irritation à Bamako.
L’armée a dépêché le 2 octobre un important convoi en direction de Kidal en prévision du départ de la Minusma. La colonne se trouverait encore à Anéfis, à environ 110 km au sud de Kidal. L’armée a aussi envoyé des renforts à Tessalit, à environ 200 km de Kidal.
Kidal est le huitième camp que la Minusma quitte depuis août dans le Nord et le centre sur 13, après que la junte a réclamé son départ “sans délai” en juin.
Des conditions de départ “extrêmement difficiles et éprouvantes”
Des responsables onusiens admettent que décrocher de la région de Kidal a été encore plus compliqué que prévu, du fait de l’escalade militaire, mais aussi des entraves mises par la junte.
En même temps que les séparatistes reprenaient les combats, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance jihadiste affiliée à Al-Qaïda, a multiplié les attaques contre les positions de l’armée et les convois de la Minusma.
Les conditions de départ “ont été extrêmement difficiles et éprouvantes”, a dit la Minusma dans un communiqué. Elle invoque la détérioration sécuritaire, mais aussi les “défis liés à la conduite d’opérations aériennes”, allusion à peine voilée à la non-délivrance d’autorisations de vol par les autorités.
Cette rétention l’a forcée à entreprendre de longs et dangereux trajets par la route. Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, a indiqué à la presse à New York que le convoi parti de Kidal avait touché en chemin deux engins explosifs improvisés, qui n’ont pas fait de blessé. Les convois partis de Tessalit et Aguelhok avec environ 500 Casques bleus tchadiens en ont heurté quatre, qui ont fait quatre blessés légers, a-t-il rapporté.
La Minusma a aussi dit avoir détruit ou mis hors d’usage des équipements, faute d’avoir pu les emporter parce que 200 camions n’avaient pas reçu la permission des autorités maliennes de faire mouvement de Gao vers Tessalit, Aguelhok et Kidal.
La Minusma, dont les effectifs ont tourné autour des 15 000 soldats et policiers et dont plus de 180 membres ont été tués dans des actes hostiles, est censée être partie d’ici au 31 décembre. Depuis juillet, elle a retiré du Mali près de 6 000 membres du personnel civil et en uniforme, a-t-elle dit.
Avec AFP