Avec AFP

Après avoir combattu aux côtés d’Al Qaida en Irak et en Syrie, Abou Mohammed al-Joulani, le chef du groupe armé islamiste Hayat Tahrir Al-Cham, veut désormais cultiver l’image d’une figure plus modérée. Mais les intentions réelles de celui qui utilise désormais son vrai nom, Ahmed al-Charaa, restent sujet à de nombreuses questions. 

Abou Mohammed al-Joulani apparaît confortablement installé dans un grand fauteuil beige, barbe noire soignée et chemise militaire kaki. Il fixe, l’air déterminé, la journaliste de la chaîne américaine CNN. Vendredi 6 décembre, pour la première fois depuis le début de l’offensive en Syrie, le chef du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), à l’origine de l’opération, répond aux questions d’un média occidental. “Le but de la révolution reste le renversement du régime [de Bachar el-Assad]”, déclare-t-il. À l’écran, son image tranche avec l’une de ses premières interviews, à la chaîne Al Jazeera, en 2015. Il s’était alors s’exprimé en tant qu’émir du Front al-Nosra, en cachant son visage avec un long châle noir.

Dimanche 8 décembre, c’est encore en chemise kaki que Abou Mohammed al-Joulani a pénétré dans Damas, la capitale syrienne, baisant le sol et se prosternant avant de se rendre dans la mosquée des Omeyyades pour signer la fin du régime de Bachar al-Assad.

Depuis qu’il affirme avoir rompu avec la nébuleuse jihadiste et pris la tête du HTC, Abou Mohammed al-Joulani tente de lisser son image et de présenter un visage plus modéré. Il reste pourtant aujourd’hui l’un des jihadistes les plus recherchés de la planète : sa tête est mise à prix à 10 millions de dollars par les États-Unis, qui qualifient HTC d’organisation terroriste, tout comme la France. Cette transformation affichée, réelle ou opportuniste, incarne désormais les espoirs et les doutes de la transition politique qui s’ouvre.

Dans le sillage d’Al-Qaïda

Agé de 40 ans, Abou Mohammed al-Joulani, de son vrai nom Ahmed Hussein al-Charaa, a passé les premières années de sa vie à Riyad, en Arabie Saoudite. Issu d’une famille aisée, son père, économiste de formation, travaillait alors au ministère du pétrole saoudien. Le jeune Ahmed grandit ensuite à Mazzé, quartier cossu et libéral de Damas, avant d’entamer des études de médecine.

Il ne les finit jamais. D’après le site Middle East Eye, après les attentats du 11-septembre, “les premiers signes de jihadisme apparaissent dans sa vie. Il commence à assister à des sermons et des tables rondes secrètes dans les banlieues marginalisées de Damas”.

En 2003, il part en Irak pour combattre les troupes américaines venues renverser Saddam Hussein et rejoint le groupe Al-Qaïda en Irak. Il est arrêté et emprisonné cinq ans. À sa sortie, il intègre le groupe État islamique (EI) en Irak, branche d’Al-Qaïda, et prend son nom de guerre Abou Abou Mohammed al-Joulani.

Il retourne en Syrie en 2011 lorsqu’éclate une révolte anti Assad. “Le chef de l’OEI, Abou Bakr Al-Baghdadi, le renvoie dans son pays pour y établir une nouvelle filiale : le Front al-Nosra“, détaille Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes sur France 24. Pendant plusieurs années, le groupe s’illustre pour ses méthodes ultra-violentes : il multiplie les attentats-suicides et les exécutions sommaires des minorités et des opposants. C’est à cette période qu’al-Joulani est désigné comme “terroriste mondial” par les États-Unis puis placé sous sanctions par l’ONU et la Suisse.

Dans le sillage d’Al-Qaïda

Agé de 40 ans, Abou Mohammed al-Joulani, de son vrai nom Ahmed Hussein al-Charaa, a passé les premières années de sa vie à Riyad, en Arabie Saoudite. Issu d’une famille aisée, son père, économiste de formation, travaillait alors au ministère du pétrole saoudien. Le jeune Ahmed grandit ensuite à Mazzé, quartier cossu et libéral de Damas, avant d’entamer des études de médecine.

Il ne les finit jamais. D’après le site Middle East Eye, après les attentats du 11-septembre, “les premiers signes de jihadisme apparaissent dans sa vie. Il commence à assister à des sermons et des tables rondes secrètes dans les banlieues marginalisées de Damas”.

En 2003, il part en Irak pour combattre les troupes américaines venues renverser Saddam Hussein et rejoint le groupe Al-Qaïda en Irak. Il est arrêté et emprisonné cinq ans. À sa sortie, il intègre le groupe État islamique (EI) en Irak, branche d’Al-Qaïda, et prend son nom de guerre Abou Abou Mohammed al-Joulani.

Il retourne en Syrie en 2011 lorsqu’éclate une révolte anti Assad. “Le chef de l’OEI, Abou Bakr Al-Baghdadi, le renvoie dans son pays pour y établir une nouvelle filiale : le Front al-Nosra“, détaille Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes sur France 24. Pendant plusieurs années, le groupe s’illustre pour ses méthodes ultra-violentes : il multiplie les attentats-suicides et les exécutions sommaires des minorités et des opposants. C’est à cette période qu’al-Joulani est désigné comme “terroriste mondial” par les États-Unis puis placé sous sanctions par l’ONU et la Suisse.

“Il s’agissait d’une rupture tactique avec Al-Qaïda, d’un divorce à l’amiable”, rappelle cependant Fabrice Balanche, maître de conférences à Lyon II, spécialiste du Moyen-Orient. Il fallait alors “obtenir du soutien occidental ou arabe, explique-t-il, à un moment où la ville d’Alep était encerclée par le régime syrien et risquait de tomber.” 

Une communication maîtrisée

À CNN, al-Joulani justifie son changement de ton et sa modération par la maturité. “Un homme de 20 ans aura une personnalité différente d’un homme de 30, 40 ou 50 ans, c’est la nature humaine”, explique-t-il simplement. 

De leur côté, les analystes mettent quant à eux en avant une communication particulièrement bien maîtrisée. À l’image de cette interview pour CNN, le leader du HTC accorde désormais davantage d’entretiens avec les médias. Au début de l’offensive, le groupe a aussi développé un service de communication très efficace avec un compte Telegram publiant régulièrement des photographies à la qualité professionnelle et des vidéos prouvant les bonnes attentions de l’organisation. Le 5 décembre, par exemple, il s’est ainsi mis en scène au téléphone avec le Premier ministre irakien, tentant de le rassurer sur ses intentions. “Ce qui se passe n’affectera pas l’Irak avec lequel on souhaite les meilleurs relations”, déclare-t-il. 

C’est aussi sur ce réseau social qu’al-Joulani a annoncé abandonner son nom de guerre pour retrouver son patronyme de naissance Ahmed al-Charaa – signe qu’il désire désormais être perçu comme un homme politique plutôt que comme un chef de guerre.

Depuis le début de l’offensive, il tente aussi de rassurer l’ensemble de la population, avec une attention particulière aux minorités religieuses. Pas un seul jour ne passe sans que son groupe ne publie des communiqués à l’attention des minorités chrétiennes, druzes mais aussi alaouites. À Alep, conquise en quatre jours par les factions rebelles, HTC a permis aux combattants kurdes de quitter la ville les armes à la main, avec leurs familles. Il a aussi promis aux minorités, notamment chrétiennes, de les épargner.

Dans les villes prises, les habitants ont reçu des sacs de pain, une denrée devenue très chère, lors de distributions habilement diffusées sur les réseaux sociaux. De grandes affiches avec des QR codes ont aussi été placardées dans la ville pour aider les habitants dans ce changement. 

“Al-Joulani se considère comme le futur dirigeant de la Syrie”, résume ainsi le Financial Times dans un portrait que le journal lui a consacré.

Mais cet effet d’habillage et cette communication ne doivent pas cacher l’essentiel, selon Fabrice Balanche : al-Joulani a “fait bonne figure devant les caméras de télévision”, il a “reçu des journalistes et des chercheurs” pour “donner le change”, estime le spécialiste. “Cela lui a permis de préparer son offensive en faisant croire aux pays occidentaux, à la Turquie et aux pays arabes qu’il a changé pour avoir du soutien extérieur.”

“Al-Joulani est intelligent : il a simplement compris que s’il voulait durer, il ne fallait pas reproduire les excès de Daech”, termine-t-il.

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