Avec AFP

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a été réélu pour un deuxième mandat avec près de 95 % des voix, a annoncé dimanche le président de l’Anie, l’autorité électorale. Les équipes de campagne des trois candidats – dont celle du président élu ont dénoncé “des irrégularités et contradictions dans les résultats annoncés”.

Le président algérien sortant Abdelmadjid Tebboune a été réélu, dimanche 8 septembre, pour un deuxième mandat au terme d’un scrutin sans grand suspense. Sur un total de 5,6 millions de “votes enregistrés, 5,32 millions ont voté pour le candidat indépendant” Abdelmadjid Tebboune, “soit 94,65 % des voix”, a déclaré le président de l’autorité électorale (Anie), Mohamed Charfi.

Le président français Emmanuel Macron a adressé ses “plus vives félicitations” au président algérien sortant, en soulignant la “relation exceptionnelle” qui unit les deux pays malgré des crises récurrentes. “Sur la scène régionale et internationale, le dialogue entre nos deux pays est primordial, notamment dans le contexte de la présence de l’Algérie au Conseil de sécurité des Nations Unies”, a ajouté l’Élysée dans un communiqué.

Le président de l’Anie n’a pas fourni de nouveaux chiffres sur le taux de participation, après avoir annoncé dans la nuit “un taux moyen de 48 % à la fermeture des bureaux” samedi à 20 h (19 h GMT). “L’élection a été marquée par une large transparence” et a “reflété la maturité électorale du peuple”, s’est félicité le président de l’Anie.

L’affluence aux urnes était le véritable enjeu du vote, Abdelmadjid Tebboune voulant être “un président normal, pas un président mal élu” comme il y a cinq ans, a indiqué à l’AFP Hasni Abidi, analyste et directeur du Centre d’études Cermam à Genève.

En décembre 2019, Abdelmadjid Tebboune, 78 ans, avait remporté le scrutin avec 58 % des suffrages, mais la participation n’avait atteint que 39,83 % du corps électoral (60 % d’abstention). À l’époque, l’élection s’était déroulée dans le contexte tendu du Hirak, le mouvement massif pour la démocratie et les libertés qui venait de chasser du pouvoir son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika, et par des appels au boycott.

Face au président sortant, seuls deux candidats étaient en lice : Abdelaali Hassani, 57 ans, chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP, principal parti islamiste), s’est adjugé 3,17 % des voix, et Youcef Aouchiche, 41 ans, à la tête du Front des forces socialistes (FFS, plus vieux parti d’opposition), a obtenu 2,16 % des suffrages.

Des irrégularités dénoncées

Dans une démarche inédite, les équipes de campagne des trois candidats – dont celle d’Abdelmadjid Tebboune – ont dénoncé dans un communiqué commun, peu avant minuit, “des irrégularités et contradictions dans les résultats annoncés par l’Anie”, disant vouloir “informer l’opinion publique du flou et des contradictions des chiffres de participation”.

Peu avant, Ahmed Sadouk, directeur de campagne d’Abdelaali Hassani, avait qualifié ces chiffres de “mascarade”, questionnant le calcul par l’Anie d’une moyenne entre les taux de chaque région alors que le taux de participation est calculé en divisant le nombre d’électeurs par le nombre d’inscrits (24,5 millions au total).

Les trois candidats ont aussi mentionné “une erreur dans l’annonce des pourcentages pour chaque candidat” et des “données contradictoires avec les procès-verbaux de dépouillement des voix” remis à l’Anie par les commissions électorales locales.

“Une victoire aux allures d’alerte”

Abdelmadjid Tebboune était donné grand favori du scrutin, bénéficiant de l’appui de quatre formations majeures, notamment le Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique).

Aidé par la manne du gaz naturel dont l’Algérie est le premier exportateur africain, Abdelmadjid Tebboune a promis de revaloriser retraites et salaires, de créer 450 000 nouveaux emplois, de construire des logements et de faire de l’Algérie “la deuxième économie en Afrique”.

Pour Hasni Abidi, le score record d’Abdelmadjid Tebboune n’est “pas une surprise au vu du profil de ses concurrents et des moyens déployés” pour sa campagne, mais “il n’a gagné que 319 000 voix depuis 2019, et n’a fait déplacer qu’un peu plus de 5 millions d’électeurs sur 24 millions d’inscrits, soit moins d’un quart. Un échec qui exige une refonte en profondeur de sa politique”, a-t-il déclaré dimanche à l’AFP.

“C’est une victoire aux allures d’alerte”, faute notamment d’avoir conquis l’électorat des jeunes qui représentent plus de la moitié des 45 millions des Algériens et un tiers de l’électorat, selon Hasni Abidi.

Sans révision de “sa méthode de gouvernance et sans changements dans son équipe”, le “déficit de démocratie” dans son bilan pourrait constituer un handicap dans son nouveau mandat, a ajouté l’analyste.

Si Abdelmadjid Tebboune n’a pas évoqué ce dossier, ses rivaux avaient promis pendant leur campagne davantage de droits, de libertés politiques et pour les médias.

Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD, algérien), des dizaines de personnes liées au Hirak ou à la défense des libertés sont encore emprisonnées ou poursuivies.

Avant le vote, l’ONG Amnesty International a accusé le pouvoir de continuer à “étouffer l’espace civique en maintenant une répression sévère des droits humains”, avec des “arrestations arbitraires” et “une tolérance zéro des voix dissidentes”.

Avec AFP

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