Avec Jeune Afrique

Fin de règne pour Adolphe Moudiki, intime de Paul Biya et patron de l’or noir camerounais. Évacué vers la France, le dirigeant de la SNH sera déchargé de ses fonctions lors d’un conseil d’administration extraordinaire prévu le 24 juillet.

C’est la fin de trois décennies de « règne » à la tête de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), pour Adolphe Moudiki, et d’un long bras de fer l’opposant à Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence et président du conseil d’administration de l’entreprise publique. Avant d’entamer son déplacement pour Paris, le 24 juillet, pour assister à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, le président Paul Biya a, selon nos informations, tranché en faveur du départ du dirigeant de 85 ans. Adolphe Moudiki, vit donc ses dernières heures en tant que patron de la première entreprise du Cameroun.

Une prise de distance depuis 2023

Quoi qu’intimes, Paul Biya a gardé ses distances vis-à-vis d’Adolphe Moudiki, depuis le début du feuilleton Savannah Energy en avril 2023. Pour rappel, l’entente entre la SNH et la junior pétrolière britannique permettant à la première d’accroitre ses parts au sein de la Cameroon Oil Transportation Company (COTCO) – une co-entreprise exploitant la partie locale du pipeline Tchad-Cameroun – fut finalement retoquée. Elle déboucha sur une crise diplomatique entre Yaoundé et N’Djamena. Cet épisode a agacé le palais et entraîné une guerre ouverte entre Moudiki et Ngoh Ngoh, autre proche du président. D’après des sources consultées par Jeune Afrique, Paul Biya n’a pas donné suite à quatre demandes d’entretien téléphonique formulées par le dirigeant de la SNH ces derniers mois.

Le magistrat de métier, dont l’état de santé est plus que préoccupant, a été évacué samedi 20 juillet vers la France, sur autorisation du chef de l’État camerounais. Initialement, Adolphe et son épouse Nathalie Moudiki envisageaient un déplacement afin d’effectuer un bilan de santé du patriarche et de prendre un congé estival. C’est la raison pour laquelle des dispositions avaient été prises afin que Igor Emmanuel Soya Bissaya, le conseiller numéro deux de la SNH, en assure la gestion en l’absence du patron.

Ce proche de Nathalie Moudiki avait, dès mars, hérité d’importantes attributions pour assurer l’intérim. Un remplacement qui sera probablement interrompu le 24 juillet, date de la tenue d’une session extraordinaire du conseil d’administration, convoquée par Ferdinand Ngoh Ngoh qui le préside, au palais d’Etoudi.

Cette session extraordinaire du conseil d’administration se tient à la veille de celui, également extraordinaire, du trader Tradex, à Paris. Un événement qui pourrait se tenir en l’absence d’Adolphe Moudiki qui préside cette instance de la filiale de la SNH. Cependant, un président de séance peut légalement être désigné s’il est maintenu.

Une personnalité extérieure pour diriger la SNH ?

Selon nos informations, l’objet du conseil d’administration ne portera pas sur le choix d’un nouvel administrateur-directeur général (ADG), mais plutôt sur la constatation de la démission d’Adolphe Moudiki. Ce qui pourrait donner lieu à la désignation d’un intérimaire, car Paul Biya semble avoir choisi la prudence à cause de l’affaire Glencore. Dans ce dossier, le chef de l’État avait accédé à la demande de Moudiki d’ouvrir une enquête judiciaire à l’encontre de certains cadres de la SNH qui auraient touché des pots-de-vin, comme l’a reconnu le trader suisse auprès de la justice américaine. Une affaire dans laquelle l’avocat Akere Muna mène une croisade. C’est la raison pour laquelle l’hypothèse d’une promotion interne semble pour l’instant compromise.

La nomination d’une personnalité extérieure à l’entreprise serait privilégiée. Mais Paul Biya pourrait attendre la fin de l’enquête avant de choisir le prochain patron d’une entreprise éminemment stratégique pour le Cameroun.

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