Par Mathieu Olivier (Jeune Afrique)

Au Cameroun, tandis que l’enquête sur l’assassinat du journaliste Martinez Zogo se poursuit, de nombreux avocats, plus ou moins discrets, sont entrés en piste. Qui défend les principales personnalités visées dans ce dossier ? Jeune Afrique fait le point.

Pour ceux qui le connaissent, la tonitruante conférence de presse de Me Charles Tchoungang, le 17 février, n’a guère été une surprise. En effet, l’ancien bâtonnier, de 2002 à 2006, bénéficie d’une solide réputation auprès de ses confrères dès lors qu’il s’agit de donner une dimension médiatique et retentissante au dossier d’un de ses clients.

Le trublion Tchoungang

Cet avocat au verbe haut n’a pas hésité à intervenir ces dernières années comme chroniqueur dans certaines émissions télévisées. Défenseur de Jean-Pierre Amougou Belinga depuis plusieurs années, Charles Tchoungang mène aujourd’hui une équipe de quatre avocats, où figurent également ses confrères Paul Ndoumou et Alain Nguini.

L’ancien bâtonnier ne se contente pas de défendre l’homme d’affaires, suspecté d’avoir commandité l’assassinat de Martinez Zogo. Il s’occupe également du beau-père et chef de la sécurité de celui-ci, l’ancien commandant de la garde présidentielle Etoundi Nsoe. Ce dernier et son gendre sont toujours incarcérés au Secrétariat d’État à la Défense (SED), où ils peuvent recevoir la visite de l’équipe de Tchoungang quotidiennement.

L’avocat assure aussi la défense d’un autre détenu dans le dossier, en la personne du directeur général du groupe L’Anecdote, Bruno Bidjang. L’ex-bâtonnier a également pris en charge les dossiers des proches de Jean-Pierre Amougou Belinga ayant été interpellés, certains brièvement, dans le cadre de l’enquête du SED, plusieurs procédures en habeas corpus ayant été lancées.

Jacques Mbouny au cœur du dossier

Dans son offensive médiatique, l’avocat affirme surtout que les seules déclarations de Justin Danwe, le lieutenant-colonel de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) ayant mis en cause Amougou Belinga, ne suffisent pas à maintenir ses clients en détention. Il a ainsi évoqué l’hypothèse d’un complot visant son client principal et dont Danwe aurait été l’instrument.

Ce faisant, Charles Tchoungang a provoqué l’apparition sur le devant de la scène de l’avocat de Justin Danwe, Me Jacques Mbouny, lequel a à son tour pris la parole pour défendre son client, dont les propos auraient selon lui été « déformés ». Moins médiatique que l’ancien bâtonnier Charles Tchoungang, Me Mbouny a notamment représenté, par le passé, le Français d’origine camerounaise Michel Thierry Atangana, emprisonné durant dix-sept ans à la prison du SED, à Yaoundé. Il se retrouve donc de fait au cœur du dossier et des investigations, qui ont débuté sur la base des premières déclarations de Danwe.

Me Mbouny assure ne pas avoir assisté aux premiers interrogatoires du lieutenant-colonel, lors desquels ce dernier a mis en cause non seulement Jean-Pierre Amougou Belinga – et par extension le ministre de la Justice, Laurent Esso –, mais aussi son patron à la DGRE, Léopold Maxime Eko Eko. Placé lui aussi en détention, le directeur des renseignements est dès lors soupçonné d’avoir été – a minima – au courant de l’opération Martinez Zogo.

Des équipes en embuscade…

Espérant échapper à l’inculpation, le commissaire Eko Eko n’a, lui non plus, pas lésiné sur les moyens pour assurer sa défense. Même s’ils sont pour le moment restés très réservés, ses avocats sont au nombre de quatre : Justin Ofomo, Josiane Ngoumou, Hosanna Ndzana et Junior Licken. Ils s’attachent aujourd’hui, en toute discrétion, à démontrer que leur client n’avait pas été informé des activités de son subordonné.

Enfin, trois autres avocats suivent de près l’évolution des investigations, en attendant de se constituer partie civile dans le dossier. Maîtres Calvin Job, Abdoulbastoi Moudjahidi et Félicité Esther Zeifman défendent en effet les intérêts de la famille du défunt Martinez Zogo et notamment de sa veuve, laquelle était auditionnée au SED en tant que témoin ce 20 février.

Contrairement à Charles Tchoungang et à Jacques Mbouny, cette équipe se place aujourd’hui en retrait, observant l’enquête menée au nom du commissaire du gouvernement Cerlin Belinga. Me Job et ses associés auront surtout comme lourde tâche d’empêcher le dossier – qui prend des allures d’affaire d’État – de s’enliser.

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